rené stirlimann contre le dr B - courrier mai 2007

Théâtre. «On vit dans une société de vampires»

Paru le Mercredi 16 Mai 2007
EMMANUEL PINGET
THEATRE «René Stirlimann contre le DR. B.», créé à Genève jusqu’à dimanche, est la dernière pièce de Dominique Ziegler. Interview.
Ils sont deux Ziegler à n’apprécier guère le monde que nous façonnent les pouvoirs politiques et financiers: le père et le fils. Chacune des pièces de Dominique pose la question de la manipulation. La dernière ne fait pas exception. René Stirlimann contre le Dr.B. est interprétée, au Caveau de Genève jusqu’à dimanche, par Les Associés de l’ombre. Ce spectacle de «théâtre populaire social» aborde le suicide, sur un tempo rapide qui fait la part belle au ressort comique. Sur fond de fric, de sexe et de solitude, les comédiens mènent un drame efficace, nourri de quelques trouvailles scénographiques et de répliques mordantes – citons le tordant: «Je vous aiderai à vous supprimer, vous êtes comme un fils pour moi».

Pourquoi avoir pareillement changé d’univers et de propos?

Dominique Ziegler: Les pièces précédentes étaient d’inspiration géopolitique. J’avais envie de me rapprocher d’une thématique plus existentialiste, plus humaine. Il y a beaucoup de détresse morale en Suisse. Je voulais me pencher dessus, mais toujours dans l’idée de rire de choses graves. Les tabous de la solitude, de la mort, me sont apparus une matière intéressante, un défi pour une comédie.

Le comique est-il nécessaire pour traiter d’un thème grave?

Oui, c’est un défi artistique. C’est «facile» de faire une pièce glauque avec des sujets glauques. Pour que le message passe et afin de proposer un beau spectacle, le ressort comique m’a semblé indispensable.

La pièce ne dévoile pas vraiment votre rapport à la mort…

Tant mieux, elle ne prétend pas fournir une explication pure et dure, une réponse toute faite. L’idée était d’interroger la conception de la mort… pour interroger la vie, le projet de société. Pourquoi vit-on ensemble? Quel est le but de notre existence, de notre parcours humain, dans cette société occidentale qui est de plus en plus morbide? Comme beaucoup je doute, je me pose des questions et n’ai aucune réponse. Je suis emprunté. Ce travail était aussi une manière d’exorciser mes propres démons. La mort, c’est le tabou suprême: le théâtre est là pour parler de ces choses qu’on évoque rarement.

Quelles difficultés avez-vous rencontrées à la mise en scène?

J’ai écrit sans me limiter. Finalement, se sont posées de multiples difficultés techniques, publicitaires, financières. La médiatisation s’est aussi révélée compliquée. Notre façon d’exploiter le thème en a rebuté plus d’un. Heureusement, l’énergie de l’équipe a porté ce travail et l’a fait aboutir. Malgré des moyens vraiment restreints.

Comment définissez-vous votre théâtre?

Notre compagnie, Les Associés de l’ombre, défend un théâtre populaire qui parle des problèmes sociaux. On peut faire du divertissement avec des thématiques politiques ou sociales importantes. Actuellement, quand le théâtre traite de thèmes importants, c’est de manière cérébrale, avec des codes formels bien précis. C’est très hermétique. Sinon, il y a la comédie, un genre quelque peu méprisé cantonné dans d’autres salles, et qui ne doit surtout pas être trop politique ou sociale. Nous essayons de faire une synthèse. Molière se demandait si «la grande question n’est pas de plaire ?» A l’écriture, une petite voix nous dit «attention, là on s’ennuie, ici on ne comprend rien, il faut couper». On doit parler aux gens, toutes classes sociales confondues, sans faire trop de compromis. I
Note : Jusqu’au 20 mai, ma-sa à 20h30, je à 19h, di à 18h, Théâtre du Caveau, 9 av. Ste-Clothilde, Genève. Rens. tél: 076 5962580.

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